J’aime, j’aime beaucoup: « Anima » de Wajdi Mouawad

ANIMA (WAJDI MOUAWAD)

ANIMA

Éditeur: Leméac/Actes Sud

Date de parution: Septembre 2012

Nombre de pages: 400 p.

ISBN: 9782330012632

Résumé / Extrait:

Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a fait ça, et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé. Seul et abandonné par l’espérance, il s’embarque dans une furieuse odyssée à travers l’Amérique, territoire de toutes les violences et de toutes les beautés. Les mémoires infernales qui sommeillent en lui, ensevelies dans les replis de son enfance, se réveillent du nord au sud, au contact de l’humanité des uns et de la bestialité des autres. Pour lever le voile sur le mensonge de ses origines, Wahhch devra-t-il lâcher le chien de sa colère et faire le sacrifice de son âme ? (Résumé tiré du site de la maison d’édition Actes Sud)

Dans ce magnifique roman, dont la force des propos n’a d’égale que celle de l’écriture, le lecteur accompagne l’homme blessé qu’est Wahhch Debch dans sa quête pour retrouver l’assassin de sa femme. Ce faisant, il apprendra beaucoup d’autres choses encore, se remémorant des souvenirs d’une grande noirceur et découvrant, malgré tout, des vérités lumineuses comme la vie.

Pourquoi je l’aime:

Ce roman m’a profondément marquée, autant par son contenu que son originalité. D’abord, il m’apparaît essentiel de mentionner que le roman tout entier est narré non pas par un narrateur omniscient ou par le protagoniste, mais bien par tous les animaux qui croisent la route de Wahhch Debch.  Chaque chapitre porte le nom latin d’un animal, et c’est à travers les yeux de l’animal en question que sera présentée cette portion du récit. L’écriture sensible de Mouawad réussit à se transformer subtilement selon la nature du narrateur, rendant la lecture encore plus enivrante. Du rythme rapide des phrases des chiens à la lenteur indolente de celles des chats, des allitérations en « s » des serpents aux paragraphes fragmentés des oiseaux, la langue et le style de l’auteur parviennent à rejoindre le récit et à s’y entremêler pour offrir au lecteur une expérience unique.

En ce qui concerne le contenu de l’histoire, je dois dire qu’il m’a bouleversée à plusieurs reprises. D’ordinaire, je peux lire des choses vraiment atroces sans me sentir trop remuée (les voir, c’est une autre histoire…), mais dans ce cas-ci, la précision des descriptions et la richesse des émotions transmises étaient telles que j’ai eu l’impression de visualiser toutes les scènes, surtout les plus dures. Car de la dureté, il y en a ; elle côtoie la beauté et c’est ce qui rend l’ensemble troublant. Cœurs sensibles s’abstenir.

À lire aussi (du même auteur): À ceux qui ne dédaignent pas la lecture de pièces de théâtre, je recommanderais le cycle Le Sang des Promesses, composé des pièces Littoral, Incendies et Forêts. À tous les autres, je recommande fortement le visionnement du film québécois Incendies, réalisé par Denis Villeneuve, qui est une adaptation de la pièce du même nom. La fin de ce film m’a secouée ; j’y pense encore régulièrement.

Un projet, de l’élaboration du concept à la rédaction

Je n’ai pas énormément d’expérience en « écriture sérieuse ». Ce que j’entends par là, c’est que je n’écris dans le but d’être lue ou publiée que depuis quelques années. Bien sûr, je compose des histoires pour le plaisir depuis que je suis en âge d’écrire, mais ce n’est pas la même chose. L’acte d’écrire pour être lu est certes plaisant, mais c’est aussi un travail, qui demande de la rigueur et du temps. Enfin, c’est ce que mon humble expérience tend à démontrer.

Quand on écrit pour soi, dans le but de se défouler et de s’amuser, on se fiche bien que l’histoire ne soit pas parfaitement logique, que le déroulement des événements ne soit pas parfaitement crédible, que l’univers dans lequel on campe notre action ne soit pas parfaitement défini, que les personnages n’aient pas une richesse hors du commun. La redondance du verbe être ne revêt pas une très grande importance, tout comme la variété du vocabulaire, d’ailleurs. Un public cible? Pas nécessaire. Des modifications après-coup, pour améliorer le projet? Bah, à quoi bon. Finalement, on se retrouve avec une bonne dose de plaisir, oui, mais aussi avec un gros ramassis de n’importe quoi.

J’aborde le sujet aujourd’hui parce que j’œuvre présentement sur plusieurs projets (tous très différents les uns des autres), mais qui nécessitent tous une bonne dose de réflexion avant d’en arriver à la rédaction. Je fais souvent l’erreur de me lancer tête première dans un récit, y allant un peu à l’instinct, négligeant certains aspects importants qui me font regretter mon impulsivité un peu plus loin dans le processus ; je n’ai jamais été le genre à me faire des plans de pré-écriture, mais je réalise que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée, ne serait-ce que pour mettre un minimum d’ordre dans les différents éléments de mes projets.

Plus je me développe en tant qu’auteure et plus je suis fascinée par ce que je découvre à propos de mon travail, de mes méthodes, de mes objectifs. Je change, j’évolue et cela me pousse à en faire toujours plus, à aller de l’avant. Cependant, un élément a toujours été et, je l’espère, demeurera toujours: le plaisir de raconter des histoires…