Aujourd’hui, un peu de reconnaissance ; demain, le partage

Bon, si vous me lisez depuis un petit moment, vous le savez déjà: je suis une auteure qui commence tout juste à pouvoir affirmer… que je suis une auteure (m’ouais, enfin, le « syndrome de l’imposteur » est parfois coriace, ce n’est pas parce que je tâte le crayon depuis presque 20 ans – et pas toujours avec rigueur, évidemment – que j’ai de la facilité à le dire sans craindre la réaction des gens.) Je ne sais pas trop, on dirait qu’auparavant, je sentais que me proclamer auteure était ridicule, étant donné que je n’avais rien publié. J’avais l’impression que ça n’aurait pas l’air sérieux, qu’on me prendrait pour celle qui « se donne un titre sans avoir prouvé qu’elle le méritait ».

Depuis deux ou trois ans, je dois avouer que ma perception a changé. Pas uniquement en raison de mon travail et de mes premières publications (bien que ça aide!), mais surtout en raison de l’accueil chaleureux que j’ai reçu de la part d’auteurs aguerris, qui n’ont pas hésité à me faire sentir comme chez moi au sein de la communauté littéraire québécoise (ces premières tapes dans le dos, ce sont entre autres celles de Jonathan Reynolds, Ariane Gélinas, Mylène Gilbert-Dumas et Elisabeth Tremblay, pour qui j’éprouve beaucoup d’admiration et un grand respect. Allez jeter un petit coup d’œil à leurs blogues personnels ; ils sont affichés dans la colonne de droite). Leurs encouragements ont beaucoup contribué à me donner l’assurance nécessaire pour assumer ma passion et sentir que j’avais ma place dans le fauteuil de l’écrivaine.

Ceci étant dit, je suis parfaitement consciente de ne pas posséder le niveau d’expertise d’écrivains de longue date, qui peuvent aisément parler des mécanismes de l’édition, du fonctionnement des salons du livre, du processus de révision de manuscrits, des rencontres avec les lecteurs, de leur expérience professionnelle, etc. (Bref, du genre d’informations que j’adore et que je dévore, car elles m’apprennent énormément de choses intéressantes sur le milieu dans lequel je tente de me tailler une place.) Cependant, comme blogueuse, je sais que je peux écrire à propos d’une panoplie d’autres sujets qui vous rejoindront, surtout si vous êtes curieux et que vous vous intéressez à l’écriture, que ce soit la vôtre ou celle des autres:

-Les processus de création;

-L’inspiration qui apparaît au moment inopportun et disparaît on ne sait trop où;

-Le rythme de travail et la routine d’écriture;

-L’élaboration de projets;

-Les premières percées dans le monde des « publiés »;

-Le yoyo de motivation, avec ses hauts et ses bas;

-L’importance d’être bien entouré, malgré la nature solitaire de la tâche…

Durant la prochaine année, j’aimerais partager mes expériences personnelles d’écriture avec vous. Si cela peut vous inspirer ou vous amuser, tant mieux! Mais si cela peut aider certains d’entre vous à assumer pleinement leur passion et à réaliser qu’écrire pour le plaisir est aussi important que de le faire « sérieusement », ce sera ça de gagné. Parce que quoi qu’en disent certains, il n’y aura jamais trop d’histoires, et jamais trop de voix pour les propager…

J’aime, j’aime beaucoup: « Aliss » de Patrick Senécal

ALISS (PATRICK SENÉCAL)

Aliss

Éditeur: Alire

Date de parution: Novembre 2000

Nombre de pages: 521 p.

ISBN: 9782922145441

Résumé / Extrait:

Il était une fois… Alice, une jeune fille curieuse, délurée, fonceuse et intelligente de Brossard. À dix-huit ans, poussée par son besoin d’affirmation de soi, elle décide qu’il est temps de quitter le cégep et le cocon familial pour aller vivre sa vie là où tout est possible, c’est-à-dire dans la métropole. À la suite d’une rencontre fortuite dans le métro, Alice aboutit dans un quartier dont elle n’a jamais entendu parler et où les gens sont extrêmement bizarres. Mais c’est normal, non ? Elle est à Montréal et dans toute grande ville qui se respecte, il y a plein d’excentriques, comme Charles ou Verrue, d’illuminés, comme Andromaque ou Chess, et d’êtres encore plus inquiétants, comme Bone et Chair… Alice s’installe donc et mord à pleines dents dans la vie, prête à tout pour se tailler une place. Or, elle ne peut savoir que là où elle a élu domicile, l’expression être « prêt à tout » revêt un sens très particulier… (Résumé tiré du site de la maison d’édition Alire)

Tout au long de ce roman d’une grande originalité, le lecteur suit les mésaventures d’une jeune femme en quête de liberté, qui se trouve rapidement plongée dans un univers complètement décalé au sein duquel elle tente à tout prix de se tailler une place. Mais le peut-elle réellement?

Pourquoi je l’aime:

Honnêtement, j’ai dû relire ce roman à chaque année depuis mes seize ans (et ce n’est pas une blague.) Avec cette réécriture audacieuse d’Alice au pays des merveilles, le classique de Lewis Carroll, Senécal nous entraîne dans une histoire exclusive, mais truffée de clins d’œil faisant référence à Carroll, à sa vie et à son œuvre. Pour moi, Aliss est non seulement un roman qui nous garde en haleine du début à la fin, mais également une sorte de livre-jeu rempli de mystères, que chaque relecture permet de dévoiler davantage.

Parce que des jeux et des mystères, il y en a énormément, autant sur le plan de la forme que sur celui du fond. À travers le roman, plusieurs genres littéraires se côtoient: conte (représenté par les appels au lecteur avant chaque chapitre), théâtre (sous forme d’un dialogue dont la protagoniste est témoin, mais durant lequel elle ne peut voir les deux interlocuteurs), poésie (un personnage s’exprime uniquement en alexandrins), articles informatifs (lorsque l’héroïne lit des coupures de journaux qui l’aident à comprendre une partie de la situation), etc. Aussi, à plusieurs reprises, l’auteur fait varier la taille de la police de caractère employée, passant de lettres minuscules à d’énormes majuscules; ce fait assez inusité permet ainsi d’illustrer les perceptions faussées d’Aliss lorsqu’elle se trouve sous l’influence de drogues particulières.

En ce qui concerne le fond, les noms des lieux et des personnages ne sont jamais anodins, traçant des liens avec d’autres œuvres de Senécal et renvoyant régulièrement le lecteur à des références littéraires ou carrément populaires. Saurez-vous les identifier? (Je ne peux confirmer à 100% que j’ai trouvé toutes les références, mais franchement, c’était une partie de plaisir pour moi que de chercher à les repérer!)

Enfin, le ton employé est le dernier élément (et non le moindre) qui me permet de justifier mon amour pour ce roman singulier. J’adore l’ironie (et son cousin le sarcasme); parfois, j’ai l’impression qu’il s’agit de ma deuxième langue de prédilection… (Je vous laisse deviner la première. Vous ne devriez pas avoir trop de mal à déduire.) Hé bien avec Aliss, je me suis retrouvée en face d’un bouquin qui me parlait dans un langage bien connu! En effet, le lecteur traverse le récit en suivant les pensées de l’héroïne, qui s’exprime assez librement et de manière souvent très colorée. La narration est sarcastique à souhait, les répliques toujours savoureuses: un vrai régal.

Attention, toutefois : le contenu du roman, souvent très cru et parfois assez brutal, peut choquer certains lecteurs. À éviter, donc, si les scènes sexuellement explicites et la violence bien détaillée vous dérangent. Par contre, si vous êtes comme moi et que les éléments trash ne vous rebutent pas, n’hésitez plus et procurez-vous Aliss ; je suis à peu près certaine que vous ne serez pas déçus… et, surtout, amusez-vous bien!

À lire aussi (du même auteur): Senécal est un auteur assez populaire, mais parmi l’ensemble de sa production, j’ai mes petits coups de cœur. Je conseillerais sans hésiter Sur le seuil (roman d’horreur légèrement fantastique), Le vide (roman en deux tomes, critiquant de façon virulente notre société en quête de sens et ses vices cachés) et Le passager (roman court, mais fort intéressant de par son aspect psychologique très détaillé).