Hommage aux bons clients

Je dois me rendre à l’évidence: plusieurs fois, sur ce blogue, j’ai laissé parler mon exaspération face à certains types de clients (entre autres ici et ici.) Cependant, je n’ai jamais mentionné clairement mon appréciation des clients qui, en plus de savoir se comporter en société comme n’importe quel être humain civilisé le devrait, savent se montrer agréables et constituent, à eux seuls, une importante motivation pour les libraires que nous sommes. Voici donc mon hommage aux bons clients, ceux dont on ne parle jamais assez souvent.

Il y a les courtois, ceux qui se présentent poliment, posent leur question de façon très claire et, peu importe s’ils ont réussi à récupérer leur livre ou non, vont quitter en souriant et en nous remerciant de notre aide.

Il y a les reconnaissants, ceux qui sont ravis de bénéficier de nos conseils et qui considèrent chaque petit geste de courtoisie comme une énorme faveur. Généralement, ceux-là s’imaginent que notre dévouement habituel est un véritable cadeau et ils ne manquent pas de nous remercier chaleureusement, comme si on venait d’accomplir pour eux quelque chose de formidable.

Il y a les humoristes, ceux qui plaisantent avec nous dès le premier échange de paroles et dont la bonne humeur semble impossible à dissiper. La plupart du temps, on se retrouve à plusieurs pour les aider et les recherches se font dans la joie et la bonne humeur; on s’amuse un peu, avant qu’ils ne quittent en promettant de revenir, parce que « c’était ben plaisant ».

Il y a les passionnés, ceux qui dévorent les livres et qui se plaisent à venir partager avec nous leur amour de la littérature. Avec ceux-là, on ne s’ennuie jamais: ils sont enthousiastes, leurs yeux brillent et ils finissent par nous parler avec tant d’énergie de leurs coups de cœur qu’on a envie de les acheter, nous aussi.

Il y a les curieux, ceux qui font preuve d’une grande ouverture d’esprit et qui sont prêts à essayer à peu près n’importe quoi, à condition que notre propre passion pour les livres suggérés soit palpable. Ils sont toujours emballés par leurs nouvelles acquisitions et ont hâte de retourner à la maison pour commencer à lire, non sans nous avoir d’abord remerciés chaleureusement.

Il y a les placoteux, ceux qui en ont toujours long à dire sur une panoplie de sujets. Ils viennent peut-être chercher le dernier livre de cuisine à la mode, mais ils ne dédaignent pas, en passant, nous entretenir de société, politique, actualité, musique, cinéma, mode et même météo, s’il le faut. Ces clients sont particulièrement appréciés durant les longs soirs de semaine, quand la librairie est vide et qu’un peu de compagnie serait la bienvenue pour illuminer notre soirée.

Enfin, il y a les érudits naturels, ceux qui possèdent énormément de connaissances et qui, s’ils sentent un intérêt de notre part, n’hésitent pas à nous instruire sur divers sujets. Avec ceux-là, on peut apprendre plein de choses et, comme ils sont toujours polis et agréables, nous n’avons jamais l’impression d’être sous-estimés ou traités comme des incultes.

Que vous fassiez partie d’une ou l’autre de ces catégories ou que vous soyez simplement respectueux lorsque vous vous présentez dans notre petit univers, cela n’a pas d’importance: ce qui est important, c’est que vous êtes la raison pour laquelle notre travail vaut la peine d’être fait, et bien fait. Merci!

J’aime, j’aime beaucoup : spécial « parce qu’on voit des cœurs partout… »

Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas très « Saint-Valentin ». Ce n’est pas une fête que je trouve particulièrement importante à souligner, étant donné que pour moi, l’amour et l’amitié se célèbrent en tout temps, toute l’année (je sais que c’est cliché, mais je sais que je ne suis pas la seule à voir la chose ainsi!) Malgré tout, parce qu’on voit des cœurs en papier partout (et du chocolat, mais ça, c’est toujours bon!), j’ai décidé d’écrire un petit article de suggestions littéraires à thématique « Amour et désir » (parce que, pourquoi pas.)

Ceux qui me connaissent savent aussi que je ne suis pas particulièrement fan de romans d’amour « conventionnels », c’est-à-dire que pour moi, une histoire d’amour ne suffit absolument pas pour me donner envie d’acheter un livre (je sais, je suis une grande romantique. Ha, ha, ha.) Alors vous aurez dans ma liste des romans d’amour ou érotiques, oui, mais aussi des romans qui m’ont plu et dans lesquels une histoire d’amour valait la peine d’être soulignée.

SOIE
Alessandro Baricco

Éditions Gallimard (Folio)
144 p.
SoieCe magnifique petit roman qui se lit d’une traite raconte une merveilleuse histoire d’amour impossible entre un marchand de vers à soie et la jeune maîtresse d’un seigneur japonais, qu’il côtoie lors de ses voyages en terre nippone. C’est l’histoire de cette liaison, oui, mais aussi celle d’un homme et de sa femme, de leur relation malgré la distance, malgré la guerre, malgré les aléas de la vie.  Je dois avouer que ce roman contient certaines des scènes d’amour les plus émouvantes qu’il m’ait été donné de lire, scènes subtiles et pleines de sous-entendus, dans un style épuré et d’une grande finesse. Un petit chef-d’œuvre, à savourer.

LES LIAISONS DANGEREUSES
Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos
Éditions Gallimard (Folio)
512 p.

Les liaisons dangereusesClassique de la littérature du XVIIIe siècle, ce roman épistolaire nous présente, sous forme de correspondances entrecroisées, les liaisons parfois touchantes, souvent tordues, de plusieurs personnages appartenant à la noblesse française. Les deux principaux protagonistes, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil, sont de véritables manipulateurs qui semblent se livrer une chaude lutte de libertinage, se partageant leurs exploits respectifs par écrit et se lançant des défis les plongeant toujours davantage dans la débauche…tout en entraînant plusieurs innocents avec eux. D’ordinaire, je n’affectionne pas particulièrement les romans épistolaires, mais celui-là m’a énormément plu: la « plume » des personnages est élégante, leurs sentiments sont intenses et l’ironie mordante de certaines répliques avait tout pour me faire sourire. À découvrir, si vous avez envie d’explorer l’univers des libertins du siècle des Lumières. (Et si vous n’avez pas envie de lire, le film de 1988 était assez captivant aussi, avec son impressionnante distribution!)

LES INFORTUNES DE LA BELLE AU BOIS DORMANT (3 tomes)
Anne Rice

Éditions Michel Lafon
304 p.
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Pour moi, cette trilogie est une bonne alternative à considérer pour ceux qui veulent lire de la littérature érotique, mais qui considèrent les romans à la mode en ce moment comme étant trop « softs » ou trop mal écrits (non, je ne nommerai ici aucune trilogie érotique en particulier… même si tout le monde sait de quoi je parle.) Dans cette série, la plume d’Anne Rice nous plonge dans un univers inspiré du conte de la Belle au bois dormant, univers dans lequel soumission, domination et luxure s’entremêlent dès les premières lignes. Bon, j’avoue que l’ensemble devient rapidement répétitif (il y a des limites aux « délices décadents » que peuvent vivre les personnages), mais j’ai tout de même beaucoup apprécié ma lecture ; certaines scènes me « hantent » encore (je ne vous dis pas lesquelles, petits coquins…!) Enfin, j’ai aimé l’écriture, Rice nous donnant véritablement l’impression de plonger dans un conte délicieusement perverti.

LE CHARDON ET LE TARTAN (10 tomes à ce jour, en français)
Diana Gabaldon

Éditions Libre Expression
536 p.

Le Chardon et le TartanCette (très) longue série relate l’histoire d’amour de Claire Beauchamp, une Anglaise du XXe siècle, et de Jamie Fraser, un Écossais du XVIIIe siècle, qui ont fait connaissance après que la jeune femme ait voyagé accidentellement dans le temps, lors d’un séjour en Écosse. Leur relation passionnée se développe et évolue à travers les guerres, les conflits, les dures conditions de vie dans les Highlands et… les siècles. De mon point de vue, cette série est du bonbon. L’histoire est accrocheuse, les personnages sont attachants, l’humour et l’action sont au rendez-vous et l’intrigue se complexifie au fur et à mesure que le récit progresse. Encore une fois, j’avoue avoir trouvé que, la moitié de la série passée, l’auteure étirait la sauce et l’histoire devenait de plus en plus invraisemblable ; malgré tout, j’ai beaucoup aimé les premiers tomes et, si cette série se retrouve dans cette liste, c’est qu’après avoir fait la connaissance du personnage de Jamie, la gent masculine écossaise devient subitement fort attrayante, selon les dires de plusieurs lectrices… (et des miens aussi, je l’avoue. Après avoir lu le premier tome, et même pendant, on veut un Écossais. Point à la ligne.)

NOTRE-DAME DE PARIS
Victor Hugo
Éditions Gallimard (Folio)
960 p.
Notre-Dame de Paris

Tout le monde (ou presque) connaît Notre-Dame de Paris, que ce soit par le biais du roman original ou de la célèbre comédie musicale. Cette histoire compte parmi mes préférées: c’est certain, j’adore Victor Hugo, mais cette troublante histoire de triangle amoureux improbable, de désir malsain et de soif d’amour désespérée me fascine depuis longtemps (je « trippais » déjà sur le petit côté sombre du Bossu de Notre-Dame de Disney quand j’avais 7 ans, et c’était loin d’être aussi intense que l’histoire originale, alors imaginez!) Certes, la fin de ce roman est bien loin d’être heureuse, mais cela n’altère en rien la force et la beauté de l’œuvre, portée par la plume magnifique d’Hugo et remplie de personnages complexes dont les destins tragiques finissent par nous arracher quelques larmes.

Eh bien voilà, c’était ma modeste liste de suggestions littéraires atypiques pour la Saint-Valentin. Il existe évidemment des milliers d’autres livres pouvant appartenir à cette thématique, mais je crois vous avoir présenté des ouvrages suffisamment différents les uns des autres pour affirmer qu’il y en a pour tous les goûts! Sur ce, je vous souhaite une excellente lecture… et, malgré ce que j’en pense, une très  belle Saint-Valentin!

L’artiste et sa mystérieuse équipe de création

L’acte d’écrire est, comme de nombreux autres processus créatifs, un travail solitaire. En effet, pour arriver à produire une œuvre de qualité, l’artiste doit s’asseoir et travailler, certes, mais il doit aussi le faire en s’isolant, pour que toute sa concentration soit mise au service de sa créativité. Malgré cela, je pense sincèrement que chaque artiste possède, parfois sans le réaliser, sa propre « équipe de création ». Je vous explique.

La plupart du temps, l’inspiration me vient un peu par hasard. Les idées fleurissent alors que je marche au grand air (dans mon cas, c’est assez fréquent), pendant que je « fais de la route », que j’écoute de la musique, ou même pendant que je travaille. Il suffit d’une odeur, d’un son, d’un mot ou d’une image pour déclencher une intense frénésie mentale qui n’aura de fin que lorsque j’aurai réussi à sauvegarder l’idée sur papier. Généralement, les idées sont timides, des animaux craintifs qui attendent le bon moment pour ramper hors de leurs terriers: elles se manifestent lorsque je suis dans ma bulle, que je suis connectée à mes sentiments et que j’arpente mes univers intérieurs. Plus de la moitié du temps, j’arrive à créer sérieusement lorsque je suis seule, ou isolée d’une manière ou d’une autre ; le reste du temps, c’est mon équipe de création qui met la table et me prépare à travailler.

Dans cette grande équipe, il y a d’abord les critiques occasionnels, soit mes connaissances, mes collègues et mes amis. Ceux qui me lisent de temps en temps, qui apprécient mon travail et qui m’en glissent un mot… ou alors qui n’aiment pas vraiment et ne m’en parlent pas (ou peu, dépendant de notre relation). Ceux dont les commentaires, souvent inattendus, sont toujours appréciés à leur juste valeur. Ceux qui me connaissent déjà beaucoup, juste un peu ou pas tant que ça, et qui apprennent à me voir différemment à travers mes mots. Ceux que je me réjouis d’avoir à mes côtés, parce que bon, c’est déjà beaucoup que des gens s’intéressent suffisamment à mon travail pour y accorder un peu de leur temps.

Il y a ensuite les fans inconditionnels, soit mes parents et ma famille. Ceux qui m’encouragent depuis le tout début, qui lisent pratiquement tout ce que je fais, qui commentent, qui proposent des modifications. Ceux qui ne sont pas toujours très objectifs, parce que lien de sang oblige, mais dont les bons mots font toujours plaisir. Ceux qui savent que je vais réussir, même quand moi je n’en suis pas du tout certaine. Ceux dont l’optimisme est tellement foudroyant qu’il me permet de rêver un peu, finalement. Ceux que j’aime aussi inconditionnellement qu’ils m’aiment et semblent aimer mon travail, parce que…c’est comme ça.

Enfin, il y a les partenaires d’écriture, soit mon amoureux et mes amies très proches. Ceux qui m’aident à débusquer des idées, parce que parfois, les animaux préfèrent rester dans leurs terriers. Ceux qui s’enthousiasment devant un concept, se cassent la tête pour trouver une nouvelle péripétie, se désolent de me voir affronter une page blanche. Ceux qui critiquent honnêtement ce qui doit l’être, pour me permettre de m’améliorer. Ceux qui se réjouissent de voir le projet être développé petit à petit, parce qu’ils savent qu’il y a un peu d’eux-mêmes dedans. Ceux qui me sont très précieux, parce qu’un bon vieux « brainstorming », c’est parfois la chose dont j’ai besoin pour continuer à avancer… et parce que leur amour et leur amitié, c’est ce qui me soutient, quoi qu’il arrive.

Il se peut que vous fassiez partie de l’équipe de création d’une personne autour de vous, que vous le sachiez ou non. Alors si vous avez des artistes dans votre entourage et que vous vous intéressez réellement à leur travail, n’hésitez surtout pas à leur transmettre vos encouragements, votre soutien et vos critiques constructives : ce n’est sûrement pas grand-chose pour vous, mais pour l’artiste qui se sait appuyé, un commentaire peut valoir tout l’or du monde. Et qui sait, votre petit coup de pouce vous permettra peut-être de contribuer à la création de merveilleux projets!