Ce que la librairie m’aura appris…

Ceux qui me connaissent savent maintenant que j’ai quitté mon poste de libraire, après quatre belles années passées à côtoyer d’autres passionnés de littérature et à promouvoir la lecture auprès d’une vaste clientèle. Partir maintenant me fait un pincement au cœur, parce que j’aime énormément mes collègues et que ma passion pour les livres ne fait que croître de jour en jour ; malgré tout, il me fallait partir, principalement afin de m’accorder plus de temps pour terminer mon mémoire de maîtrise, mais aussi dans le but de me consacrer davantage à l’écriture, cette autre passion qui m’habite profondément.

Je me rappelle lorsque je suis entrée en poste, en juillet 2011: je possédais de bonnes connaissances littéraires, principalement concernant livres et auteurs classiques étudiés durant mon bacc et littératures de l’imaginaire lues pour le plaisir, mais aussi à propos d’auteurs et de titres de psycho-pop et de spiritualité, que j’avais vu traîner un peu partout à la maison.

Enfin, je pensais que je possédais de bonnes connaissances littéraires. Plus que le commun des mortels? Sans le moindre doute! Assez pour me débrouiller en librairie sans le secours d’un ordinateur? C’était une autre histoire…

Rapidement, j’ai réalisé que je connaissais bien peu d’auteurs, bien peu de titres. Et que ma mémoire pouvait stocker infiniment plus d’informations littéraires que je ne le pensais. Avec le temps, je suis devenu un vrai catalogue de librairie. Auteurs, titres, séries, collections, maisons d’édition, distributeurs, catégories, sous-genres, sections de classement: j’étais à l’aise comme un poisson dans l’eau, et ma mémoire me faisait rarement défaut.

Rien à voir avec mes premières semaines, mes premiers mois, où le fait que j’avais énormément à apprendre était assez évident.

Quatre ans plus tard, en prenant la porte de sortie, j’ai la tête pleine de toutes ces précieuses informations… mais je sais que si je ne les cultive pas, je vais finir par les oublier. C’est à force de classer, chercher et sélectionner les livres qu’on parvient à garder le catalogue frais en mémoire ; je vais sans doute en reperdre beaucoup au fil du temps, et c’est bien dommage.

Cependant, il y a des leçons que la librairie m’a enseignées que je n’oublierai jamais, parce qu’elles se sont présentées sous forme d’expériences, parce que je les ai vécues.

1. La lecture est un acte infiniment solitaire…

Je l’ai souvent dit et le dirai encore autant, les goûts littéraires sont aussi subjectifs que les goûts vestimentaires ou alimentaires. Ce sont des goûts personnels. Ce qui plaît à l’un ne plaira pas forcément à l’autre ; difficile de conseiller efficacement quelqu’un quand on n’a pas accès à son univers intérieur, celui qui influence et oriente ses choix. Devant le livre, au final, l’individu est seul. Il n’en tient qu’à lui de décider s’il veut le lire ou pas.

2. … et une activité sociale incroyable.

Étrange paradoxe qu’un passe-temps aussi solitaire puisse rassembler autant de gens sous une même bannière! Au fil des ans, j’ai vécu des moments mémorables avec des collègues et des clients, où l’amour ou le dédain d’un même livre suffisait à nous unir, à nous rapprocher les uns des autres, le temps d’une discussion. Toutes les passions sont fortes ; celle de la littérature ne fait pas exception.

3. Au fond, quand ils demandent conseil, les gens savent très précisément ce qu’ils cherchent, mais ne le diront pas toujours.

Sauf exceptions (et il s’agit là de gens très ouverts d’esprit et prêts à découvrir quelque chose d’entièrement différent), les gens ne veulent pas réellement se faire conseiller dans le choix d’une nouvelle lecture : ils recherchent une confirmation que le choix du genre, de l’auteur ou du livre qu’ils ont en tête est « le bon ». On le découvre quand le client décline tour à tour toutes les propositions qu’on lui fait, et s’oriente vers quelque chose qu’il avait  choisi dès le départ…

4. Les apparences ont encore et toujours de l’importance.

On dira ce qu’on voudra, mais pour la majorité des gens, « ne pas juger un livre par sa couverture » est plus facile à dire qu’à faire. Un design peu inspirant, une illustration terne ou un format banal sont encore d’excellentes façons de faire fuir le lecteur, qui ne se donnera même pas la peine de lire la quatrième de couverture. Et pourtant…

5. L’instinct demeure la meilleure façon de choisir une lecture.

C’est ce que j’ai conseillé aux clients durant quatre ans, et ce serait mon dernier conseil: si vous êtes attirés par un livre, essayez-le. Les raisons qui motivent votre intérêt importent peu.

Essayez-le, c’est tout.

Boréal, un peu (beaucoup) en retard

En mai dernier (je suis un peu beaucoup en retard dans les nouvelles, je sais…), j’ai eu la chance de participer pour la toute première fois au Congrès Boréal, un événement annuel où se rassemblent les auteurs, éditeurs, distributeurs, illustrateurs et amateurs de littératures de l’imaginaire (i.e fantastique, science-fiction, fantasy, horreur, noir, etc.)

J’ai entendu parler de Boréal il y a quelques années, dès ma toute première incursion dans le domaine littéraire en tant qu’auteure. Mes nouveaux amis écrivains l’évoquaient avec enthousiasme, quand il ne m’encourageaient pas carrément à venir moi-même y faire un tour! Évidemment, lors de la première année, j’étais un peu mal à l’aise à cette idée : me retrouver seule dans un congrès où je connais peu de gens, avec l’impression de me retrouver au beau milieu d’une joyeuse réunion de famille où tout le monde se retrouve avec plaisir, non merci! Un jour, peut-être, je me disais.

Et puis les mois ont passé, j’ai assisté à d’autres événements, d’autres Salons du livre ; j’ai rencontré d’autres auteurs, développé d’autres amitiés dans ce domaine, assez pour commencer à m’y sentir réellement à l’aise. Cette année, quand j’ai su que j’étais disponible pour aller faire un tour au Congrès, je n’ai pas hésité: je tenais à y aller.

Je ne l’ai pas du tout regretté: non seulement j’y ai retrouvé avec plaisir mes amis écrivains habitués de l’événement, mais j’ai également fraternisé avec des auteurs dont j’aimais les récits, j’ai découvert des auteurs qui m’étaient inconnus et j’ai discuté avec plusieurs d’entre eux de sujets captivants. Parce que nous étions tous là pour partager notre amour des littératures de l’imaginaire, il y avait une belle énergie dans la place et je l’ai très bien sentie! C’était un réel plaisir pour moi que de discuter de ce qui me passionnait le plus avec des gens qui appartenaient au même monde, qui baignaient dans les mêmes eaux.

Une fois de plus, cette journée passée à Boréal m’a confirmé à quel point ce milieu est inclusif, constitué de personnalités chaleureuses et accueillantes ; dès mon arrivée, j’ai pu me joindre à des discussions, aller dîner avec des auteurs que je connaissais et d’autres moins, sans jamais sentir que j’étais de trop, que je dérangeais. Les littératures de l’imaginaire au Québec sont regroupées autour de quelques bannières et le milieu est restreint, mais je pense que dans ce cas-ci, c’est une bonne chose: cela permet de créer une atmosphère presque familiale, dans laquelle tout le monde se sent bien.

Après avoir assisté à quelques tables rondes et avoir atteint mon quota de discussions stimulantes, j’ai quitté Boréal avec le sourire aux lèvres et la tête remplie d’idées pour avancer mes projets. Portée par une telle vague d’inspiration, je suis retournée me mettre au travail… en attendant le congrès de l’an prochain!