Bilan éclair pour une deuxième année… singulière?

Si 2021 nous a permis quelques belles éclaircies, de l’été jusqu’au début de décembre (avec un semblant de retour à une vie normale), le début de l’année a été particulièrement difficile et ne parlons pas de cette spectaculaire fin en queue de poisson… 😅

Puisque le moral des troupes n’est pas à son meilleur (ceci est un euphémisme 😂), je vais me contenter de dresser ici une petite liste en vrac des choses positives qui me sont arrivées cette année – parce que même en pleine pandémie, ça peut continuer de bien aller. 😜


1. J’ai publié ce printemps une nouvelle dans la revue Le Sabord, « Palingénésie », une première parution pour moi dans cette revue d’art et de littérature trifluvienne; j’ai aussi eu le plaisir de retrouver mon univers illustré par Dimani Mathieu Cassendo dans la revue Lettres québécoises!

2. Mon chum et moi avons pris la décision de quitter l’Estrie pour venir nous installer en Mauricie, ma région natale. Nous avons déménagé en mai dernier. Même si je garderai toujours un attachement pour cette région où j’ai passé les 8 dernières années et pour les gens formidables que j’ai pu y rencontrer, je suis très heureuse d’être revenue près de ma famille, « à la maison »! 🏡

3. Mon recueil « Servitude » a continué de susciter l’intérêt des lecteurs et lectrices cette année, et m’a même permis de remporter le prix Alfred-DesRochers en octobre dernier! J’étais vraiment étonnée de l’emporter, car la compétition était féroce – mais je suis ravie de cette belle reconnaissance de la part du jury et de l’AAAE, au sein de laquelle j’ai eu le plaisir d’évoluer lors de mon passage en Estrie.

4. J’ai pu terminer mon mandat au Salon du livre de l’Estrie en beauté, avec une édition en mode festival qui a fait du bien au moral, et en laissant l’événement entre les mains d’une nouvelle équipe dynamique, qui est pleine de belles idées pour l’avenir! Mention toute spéciale à Laurie-Ann, qui m’a hébergée ici et là avec grande générosité pendant plusieurs mois (et mention à Véronique aussi, pour les dépannages occasionnels!) ❤️

5. Sitôt mon mandat en Estrie terminé, j’ai commencé un nouvel emploi en novembre… au Salon du livre de Trois-Rivières! Ça m’a fait beaucoup de gros changements en peu temps, et je dois avouer que si le tout m’a épuisée, j’ai quand même hâte de voir ce que nous arriverons à faire en 2022. 😉

6. J’ai terminé la réécriture des tomes 2 et 3 de ma série de fantasy (grâce aux commentaires pertinents de Luc!), et j’ai enfin soumis le tome 1 à un éditeur! En attendant une réponse, je me suis lancée dans l’écriture du quatrième et dernier tome (avec le soutien indéfectible d’Audrey à l’idéation 🔥). Le travail pour en arriver là a été colossal, mais j’en suis vraiment satisfaite.

7. J’ai participé cette année à un collectif qui devrait paraître en mars prochain; je vous en reparlerai très prochainement. 😉

8. J’ai rejoint le conseil d’administration de la Société des écrivain.e.s de la Mauricie afin de m’impliquer dans la vie littéraire de la région, en plus de devenir membre de l’UNEQ.

9. J’ai eu le plaisir de prendre part à un cabaret littéraire sur l’inquiétante étrangeté au dernier Salon du livre de Montréal, avec des auteur.e.s que j’aime et que j’admire; j’ai aussi pu participer à l’activité Géométries organiques en septembre, organisée par la SÉM; et en janvier prochain, je devrais prendre part virtuellement à la Nuit de la lecture, sur invitation de ma consœur et amie Ariane. 😊

10. J’ai (heureusement) pu voir mes ami.e.s et mes proches pas mal plus souvent qu’en 2020; je me souhaite la même chose pour l’an prochain… et j’espère bien continuer d’accumuler les bons moments avec mon chum, parce que même en l’an 2 de la pandémie, on a encore trouvé le moyen de rire tous les jours et de savourer les petits plaisirs de la vie ensemble! 🥰


Faut l’avouer, 2021 n’a pas été facile – peut-être plus que 2020, oui, mais encore assez pénible par moments. Le moral a souvent été chambranlant, et nous ne sommes pas encore sortis du bois… alors essayons de nous concentrer sur les belles choses que nous avons, et de les chérir comme il se doit.

Je ne sais évidemment pas de quoi 2022 sera faite, mais voici ce que je me souhaite spécifiquement pour la prochaine année:

-Réussir à trouver, avec mon chum, notre maison en Mauricie et devenir propriétaires;

-Compléter ma série de façon satisfaisante, et obtenir une réponse favorable d’un éditeur(!):

-M’engager dans de nouveaux projets d’écriture, collectifs ou solo.

Sinon, de façon générale, je me souhaite aussi ce que je vous souhaite, à toutes et à tous: de bons moments en famille et entre ami.e.s, de la complicité, du rire, de la santé, de la sérénité ainsi qu’une bonne dose d’amour et de résilience pour se tenir debout et traverser les épreuves.

Je suis chanceuse de vous avoir, bonne année tout le monde! 😘

(Ah tiens, oui, j’oubliais; je me suis aussi offert un petit changement de tête cette année, haha! 😂)

J’aime, j’aime beaucoup (spécial théâtre) : Haute Fidélité

Je ne suis pas une grande spécialiste de théâtre.

Mon dada à moi, c’est plutôt (vous l’aurez vaguement deviné) la littérature. Le théâtre, je l’ai apprivoisé quand j’étais petite, j’y ai beaucoup participé dans le programme d’art dramatique de mon école secondaire, j’ai remis ça à plus petite dose au cégep et je l’ai un peu étudié à l’université.

Je ne suis pas une grande spécialiste de théâtre, mais j’apprécie grandement cet art, cousin de la littérature, et je sais reconnaître une bonne pièce lorsque j’en vois une!

J’ai eu la chance, hier, d’assister à l’avant-première de la pièce de théâtre Haute Fidélité, présentée à la Salle du Parvis à Sherbrooke… et il faut avouer qu’il y avait longtemps que je n’avais pas ri à ce point-là dans une salle de spectacle. C’était du bonbon!

Bon, je vous vois venir: « Le Parvis, c’est pas là que tu travailles? On sait ben que t’as un parti pris! » Ceux qui me connaissent bien savent que j’ai beaucoup de mal à promouvoir avec enthousiasme quelque chose qui me laisse indifférente. Et laissez-moi simplement vous dire ceci: chaque semaine, plusieurs événements d’intérêt ont lieu dans ce centre culturel unique. Plusieurs. Chaque semaine. En dépit de la qualité des événements présentés, me voyez-vous systématiquement écrire des articles hebdomadaires pour tout promouvoir, à tout prix? Non?

Ben c’est ça.

Haute Fidélité (Run for Your Wife en version originale) est une savoureuse comédie de l’auteur britannique Ray Cooney, présentée par la troupe de théâtre sherbrookoise Skênê Machine et mise en scène par la jeune Laurie Léveillé. Les bases de la pièce sont assez simples; l’histoire qui en résulte est, quant à elle, totalement tirée par les cheveux, pour le plus grand bonheur des spectateurs!

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Alexe Laroche, Alexandre Martin et Alicia Lemieux ; photo prise sur https://www.salleduparvis.com

Jos Bleau, chauffeur de taxi, est marié simultanément à deux femmes qui ignorent tout de sa double vie. Comme il suit un horaire assez strictement établi, il n’a aucun mal à habiter deux appartements sans éveiller les soupçons de ses épouses. La situation se corse lorsque, pris au milieu d’une altercation, il est blessé et conduit à l’hôpital ; sur place, confus en raison de sa blessure à la tête, il donne au personnel une adresse différente de celle qu’il a fournie aux policiers… Se succèdent alors une série de mensonges tous plus grotesques les uns que les autres, dans lesquels se trouvent rapidement emmêlés Jos, son ami Gustave, ses deux femmes Carmen et Thérèse, les agents de police Trottier et Grand’Maison ainsi que Jeannot, son coloré voisin.

Honnêtement, j’ai pleuré de rire. À plusieurs reprises. Et à en juger par l’hilarité qui secouait la foule, je ne devais pas être la seule!

Les comédiens, pour la plupart assez jeunes, sont aussi expressifs que talentueux. Alexandre Martin, qui campe le rôle de Jos, joue à merveille les différentes déclinaisons de la surprise et du malaise, s’embourbant toujours davantage dans les savoureux mensonges que son personnage ne cesse de multiplier. En ce qui concerne Simon Turcotte, l’interprète de l’excentrique (et excellent) Gustave Farmer, il est impossible de ne pas se tordre de rire devant la panoplie de mimiques qu’il offre au public ; il s’approprie parfaitement bien ce personnage hilarant qui, à chacune de ses apparitions, va forcément rendre l’histoire encore plus complexe.

Dans le rôle de Carmen Bleau, la première femme de Jos, Alicia Lemieux joue aussi bien le dédain sarcastique que l’hystérie, alors que son personnage peine à comprendre ce qui se passe autour d’elle ; Alexe Laroche, quant à elle, incarne parfaitement la naïveté et la candeur de Thérèse, l’autre femme de Jos. Du côté des forces de l’ordre, Denis Bégin est très convaincant dans le rôle du strict et (quasi) inébranlable Trottier, qui tente réellement de faire la lumière sur ce qui se passe ; on ne peut pas en dire autant des motivations du grand dadais de Grand’Maison, dans la peau duquel Nicolas Duquette démontre autant de crédulité que de bonhomie. Toute cette joyeuse bande est complétée par Steve Méthot, dont l’interprétation réjouissante et caricaturale de « la grand’ folle » qu’est Jeannot Pépin vient rajouter une couche d’absurdité à cette histoire complètement décalée.

Un délice, je vous dis.

Si vous habitez l’Estrie, ou si vous demeurez à l’extérieur et qu’une visite estivale à Sherbrooke vous tente, n’hésitez pas à venir faire un tour au Parvis pour voir les artisans de Skênê Machine à l’œuvre ; vous en aurez amplement pour votre argent.

Du théâtre amateur? Je ne pense pas. Pour moi, il y a une qualité certaine et un grand professionnalisme derrière la mise en scène, l’interprétation et le rythme de cette production.

Mais bon, qui suis-je pour dire une chose pareille? Après tout, je ne suis pas une grande spécialiste de théâtre…

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Haute Fidélité

Présenté du 9 juillet au 15 août à la Salle du Parvis, 987 rue du Conseil, Sherbrooke

20 h / 20 $

Pour acheter des billets: www.salleduparvis.com ou (819) 566-6264

Sensible sensibilité

Je suis une personne sensible, l’ai toujours été. Tout, je dis bien tout mon être est d’une grande sensibilité : mes yeux à l’air trop sec, ma peau au soleil trop fort et aux produits parfumés, mon petit cœur au bien-être de ceux que j’aime, mon âme à la beauté des instants capturés au hasard de mon quotidien. Je crois même déjà avoir interprété, lors d’une pièce de théâtre au Petit monde des artistes, un personnage nommé « Sensibilité »: si mes souvenirs sont exacts, on a dû refaire mon maquillage tout blanc avant la représentation, car j’avais pleuré à quelques minutes de mon entrée sur scène…

Jusqu’à tout récemment, je disais aux gens que je me percevais comme une éponge, absorbant et gardant en « mémoire » tout ce qui se passait autour de moi. Pour une artiste, il s’agit là d’un précieux cadeau: ma directrice de maîtrise me l’avait bien fait comprendre, l’année dernière, en insistant sur le fait que sans cette puissante faculté, je ne serais pas devenue celle que je suis aujourd’hui. Bien que je sois entièrement d’accord avec de tels propos, je constate aussi que cette faculté devient parfois bien lourde à porter, car une éponge ne choisit pas ce qu’elle absorbe: elle prend tout, le bon comme le mauvais, et l’accumulation crée souvent un poids douloureux. Il s’agit là d’un cadeau qui, par moments, semble empoisonné…

Puis, un jour, une psychologue que je consultais m’a invitée à me percevoir autrement. Plutôt que d’imaginer ma sensibilité à l’image d’une éponge, elle m’encourageait à l’envisager comme étant une plage. Ainsi, elle m’incitait à percevoir les émotions, les événements du quotidien, l’inspiration, la vie des autres et la mienne, les joies et les fatalités comme autant de vagues venant mouiller mes rivages. Mais, comme une plage, elle me conseillait de laisser venir les vagues… et de les laisser repartir, sans devoir porter leur poids sur mon sable. Garder ce que je veux, me laisser modeler par ce qui est nécessaire, important, et laisser ce qui pourrait me peser retourner dans les eaux du monde.

J’ai trouvé le conseil très pertinent, en plus d’être fort lyrique (comment ne pas aimer?) ; c’est pourquoi je tenais à le partager avec vous. Alors si, comme moi, votre sensibilité vous est précieuse pour créer et aimer, mais qu’elle nuit parfois à votre quotidien et à vos relations avec le monde… Devenez une plage. Laissez les vagues vous effleurer, acceptez-les et permettez aux choses de suivre leur cours.

Devenez une plage. C’est plus poétique qu’une éponge, de toute façon…

Hommage aux bons clients

Je dois me rendre à l’évidence: plusieurs fois, sur ce blogue, j’ai laissé parler mon exaspération face à certains types de clients (entre autres ici et ici.) Cependant, je n’ai jamais mentionné clairement mon appréciation des clients qui, en plus de savoir se comporter en société comme n’importe quel être humain civilisé le devrait, savent se montrer agréables et constituent, à eux seuls, une importante motivation pour les libraires que nous sommes. Voici donc mon hommage aux bons clients, ceux dont on ne parle jamais assez souvent.

Il y a les courtois, ceux qui se présentent poliment, posent leur question de façon très claire et, peu importe s’ils ont réussi à récupérer leur livre ou non, vont quitter en souriant et en nous remerciant de notre aide.

Il y a les reconnaissants, ceux qui sont ravis de bénéficier de nos conseils et qui considèrent chaque petit geste de courtoisie comme une énorme faveur. Généralement, ceux-là s’imaginent que notre dévouement habituel est un véritable cadeau et ils ne manquent pas de nous remercier chaleureusement, comme si on venait d’accomplir pour eux quelque chose de formidable.

Il y a les humoristes, ceux qui plaisantent avec nous dès le premier échange de paroles et dont la bonne humeur semble impossible à dissiper. La plupart du temps, on se retrouve à plusieurs pour les aider et les recherches se font dans la joie et la bonne humeur; on s’amuse un peu, avant qu’ils ne quittent en promettant de revenir, parce que « c’était ben plaisant ».

Il y a les passionnés, ceux qui dévorent les livres et qui se plaisent à venir partager avec nous leur amour de la littérature. Avec ceux-là, on ne s’ennuie jamais: ils sont enthousiastes, leurs yeux brillent et ils finissent par nous parler avec tant d’énergie de leurs coups de cœur qu’on a envie de les acheter, nous aussi.

Il y a les curieux, ceux qui font preuve d’une grande ouverture d’esprit et qui sont prêts à essayer à peu près n’importe quoi, à condition que notre propre passion pour les livres suggérés soit palpable. Ils sont toujours emballés par leurs nouvelles acquisitions et ont hâte de retourner à la maison pour commencer à lire, non sans nous avoir d’abord remerciés chaleureusement.

Il y a les placoteux, ceux qui en ont toujours long à dire sur une panoplie de sujets. Ils viennent peut-être chercher le dernier livre de cuisine à la mode, mais ils ne dédaignent pas, en passant, nous entretenir de société, politique, actualité, musique, cinéma, mode et même météo, s’il le faut. Ces clients sont particulièrement appréciés durant les longs soirs de semaine, quand la librairie est vide et qu’un peu de compagnie serait la bienvenue pour illuminer notre soirée.

Enfin, il y a les érudits naturels, ceux qui possèdent énormément de connaissances et qui, s’ils sentent un intérêt de notre part, n’hésitent pas à nous instruire sur divers sujets. Avec ceux-là, on peut apprendre plein de choses et, comme ils sont toujours polis et agréables, nous n’avons jamais l’impression d’être sous-estimés ou traités comme des incultes.

Que vous fassiez partie d’une ou l’autre de ces catégories ou que vous soyez simplement respectueux lorsque vous vous présentez dans notre petit univers, cela n’a pas d’importance: ce qui est important, c’est que vous êtes la raison pour laquelle notre travail vaut la peine d’être fait, et bien fait. Merci!

Voir le vent

Hier, je revenais tranquillement de passer une agréable soirée en compagnie d’une amie proche. J’étais plutôt fatiguée et, lorsque j’ai arrêté le moteur de ma voiture en arrivant chez moi, je n’avais qu’une seule envie: rentrer me coucher sans attendre. Malgré cela, je suis restée assise à l’intérieur de l’habitacle pendant un petit moment, touchée par le spectacle qui s’offrait à moi. Hier soir, sous la lune qui donnait au ciel une belle couleur indigo, j’ai vu le vent.

Je sais, techniquement, on ne peut pas voir le vent. Évidemment. On voit ce qu’il déplace, ce qu’il éparpille. Hier, je suis restée comme hypnotisée par sa danse, les volutes de neige qui se soulevaient en tourbillonnant, qui me permettaient de suivre la trace du vent, d’assister à son arrivée, d’être témoin de son départ. Bourrasque après bourrasque.

Ceux qui me connaissent très bien savent que j’éprouve depuis longtemps une espèce de fascination pour le vent. Avouons-le, nous avons tous certains petits phénomènes qui nous éblouissent, qui rendent notre cœur léger ; du moins, j’aime le penser. Parce que c’est dans ce genre de petites choses que se trouvent la beauté et la magie de notre monde, comme j’en discutais justement avec une collègue libraire, l’autre jour. Pour moi, le vent a cet effet-là. Chaque fois que je peux être témoin de sa présence tangible, que j’arrive à l’apercevoir autour de moi, je ressens comme un petit frisson. Comme quand, enfant, j’avais vu un magnifique tourbillon de feuilles mortes s’élever dans les airs sur plusieurs mètres avant de retomber en pluie d’automne. À ce moment-là, le vent m’avait émerveillée. Hier soir, il m’a émue.

Oui, oui, émue. Avec le petit serrement dans la gorge, la beauté du moment qui apaise tout le corps. Voyez-vous, il y a quelques semaines de cela, une amie qui m’est extrêmement précieuse a perdu sa mère. Toutes les deux trop jeunes, pour partir et pour devoir encaisser le choc du départ. Des injustices du monde comme il s’en fait tout le temps, partout. Ailleurs, mais chez nous aussi. Je ne vais pas ânonner le discours traditionnel sur la fragilité de la vie, parce que bon, c’est cliché et tout le monde l’a déjà entendu, celui-là. Tout le monde le sait, et tout le monde en prend conscience un jour ou l’autre, lorsque frappé par un coup dur. Jamais avant, malheureusement. Mais les petites beautés de la vie, il n’est jamais trop tôt ou trop tard pour les voir. Elles sont toujours là… Suffit de leur prêter attention.

Alors moi, quand je vois le vent, je trouve ça émouvant. Un moment unique, fragile. Quelque chose qui me rappelle que si parfois notre monde est dur, il est aussi d’une beauté incroyablement magique.

J’aime, j’aime beaucoup: « Anima » de Wajdi Mouawad

ANIMA (WAJDI MOUAWAD)

ANIMA

Éditeur: Leméac/Actes Sud

Date de parution: Septembre 2012

Nombre de pages: 400 p.

ISBN: 9782330012632

Résumé / Extrait:

Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a fait ça, et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé. Seul et abandonné par l’espérance, il s’embarque dans une furieuse odyssée à travers l’Amérique, territoire de toutes les violences et de toutes les beautés. Les mémoires infernales qui sommeillent en lui, ensevelies dans les replis de son enfance, se réveillent du nord au sud, au contact de l’humanité des uns et de la bestialité des autres. Pour lever le voile sur le mensonge de ses origines, Wahhch devra-t-il lâcher le chien de sa colère et faire le sacrifice de son âme ? (Résumé tiré du site de la maison d’édition Actes Sud)

Dans ce magnifique roman, dont la force des propos n’a d’égale que celle de l’écriture, le lecteur accompagne l’homme blessé qu’est Wahhch Debch dans sa quête pour retrouver l’assassin de sa femme. Ce faisant, il apprendra beaucoup d’autres choses encore, se remémorant des souvenirs d’une grande noirceur et découvrant, malgré tout, des vérités lumineuses comme la vie.

Pourquoi je l’aime:

Ce roman m’a profondément marquée, autant par son contenu que son originalité. D’abord, il m’apparaît essentiel de mentionner que le roman tout entier est narré non pas par un narrateur omniscient ou par le protagoniste, mais bien par tous les animaux qui croisent la route de Wahhch Debch.  Chaque chapitre porte le nom latin d’un animal, et c’est à travers les yeux de l’animal en question que sera présentée cette portion du récit. L’écriture sensible de Mouawad réussit à se transformer subtilement selon la nature du narrateur, rendant la lecture encore plus enivrante. Du rythme rapide des phrases des chiens à la lenteur indolente de celles des chats, des allitérations en « s » des serpents aux paragraphes fragmentés des oiseaux, la langue et le style de l’auteur parviennent à rejoindre le récit et à s’y entremêler pour offrir au lecteur une expérience unique.

En ce qui concerne le contenu de l’histoire, je dois dire qu’il m’a bouleversée à plusieurs reprises. D’ordinaire, je peux lire des choses vraiment atroces sans me sentir trop remuée (les voir, c’est une autre histoire…), mais dans ce cas-ci, la précision des descriptions et la richesse des émotions transmises étaient telles que j’ai eu l’impression de visualiser toutes les scènes, surtout les plus dures. Car de la dureté, il y en a ; elle côtoie la beauté et c’est ce qui rend l’ensemble troublant. Cœurs sensibles s’abstenir.

À lire aussi (du même auteur): À ceux qui ne dédaignent pas la lecture de pièces de théâtre, je recommanderais le cycle Le Sang des Promesses, composé des pièces Littoral, Incendies et Forêts. À tous les autres, je recommande fortement le visionnement du film québécois Incendies, réalisé par Denis Villeneuve, qui est une adaptation de la pièce du même nom. La fin de ce film m’a secouée ; j’y pense encore régulièrement.

J’aime, j’aime beaucoup : « Transtaïga » d’Ariane Gélinas

TRANSTAÏGA (ARIANE GÉLINAS)

Les villages assoupis, t01

transtaiga

Éditeur: Marchand de feuilles

Date de parution: Avril 2012

Nombre de pages: 152 p.

ISBN: 9782923896106

Résumé/Extrait:

Premier tome de la trilogie Les villages assoupis qui met en lumière des villages fantômes québécois, Transtaïga tisse le fil rouge entre les barrages hydro-électriques, les lacs anonymes et les hameaux à la limite de la ligne forestière. Pourvoiries, embarcations en écorce et haltes routières sont clouées dans le récit comme autant d’avertissements mystérieux.

Anissa travaille dans une pouponnière de huskies à la lisière de la route Transtaïga quand Annun, son chien de tête, s’attaque à Léonie, l’orgueilleuse vétérinaire. Ce geste d’Annun semble ouvrir une brèche dans la vie d’Anissa ; elle monte alors dans sa vieille Lincoln, en direction de la route de la Baie James. Elle souhaite ainsi rejoindre le village fantôme de Combourg, fondé par sa grand-mère. (Résumé tiré du site de la collection Lycanthrope, chez Marchand de feuilles.)

Le lecteur suit Anissa, héroïne entêtée et peu conventionnelle, alors qu’elle tente de remonter le long de la Transtaïga comme de son passé, à la recherche de ses origines chamaniques. Au fur et à mesure que le récit progresse, des extraits surprenants du journal de sa grand-mère sont dévoilés au lecteur. La grand-mère disait-elle la vérité? Était-elle complètement folle ou entrait-elle réellement en contact avec des forces plus grandes qu’elle? En rejoignant Combourg, Anissa marchera-t-elle dans ses traces?

Pourquoi je l’aime:

Ce roman a été pour moi comme une bouffée d’air frais, car il y avait longtemps que j’espérais lire un ouvrage québécois dans ce genre, combinant à la fois un univers sombre et une écriture riche. Avec son imaginaire gothique et sa plume envoûtante, l’auteure parvient à créer une ambiance empreinte de mystère, qui dérange et charme à la fois.

Les ambiances, parlons-en ; selon moi, Ariane Gélinas excelle dans l’art de les créer, de les instaurer avec une telle force que  le lecteur en est presque hanté. En tout cas, il en a été ainsi pour moi : je l’ai lu d’une seule traite, happée par l’histoire, désireuse de connaître le destin d’Anissa… et même lorsque le livre a été déposé, les derniers mots lus, je suis restée prisonnière (avec grand plaisir!) de son univers pendant les jours qui ont suivi.

Aussi, sans vouloir en dire quoi que ce soit pour ne pas gâcher l’effet final, je tiens à mentionner que j’ai adoré la conclusion du roman. J’ai ressenti un certain malaise en terminant ma lecture et j’ai eu du mal à fermer l’œil par la suite ; en général, c’est signe que quelque chose en moi a été ébranlé et, comme je l’expliquais dans mes premiers articles, cela fait partie de mes plus grands plaisirs de lecture.

Petite précision: je connais l’auteure, mais ce n’est pas du tout parce que je la connais que j’apprécie son œuvre. Souvent, nous avons tendance à encourager nos connaissances et nos amis dans leurs projets, même si leur style ou leur art ne nous fait pas réellement vibrer ; dans ce cas-ci, j’adore le travail d’Ariane pour ce qu’il est et j’attends toujours avec impatience ses nouvelles publications. C’est une jeune voix à suivre dans le domaine des littératures de l’imaginaire au Québec, croyez-moi.

À lire aussi (de la même auteure): Les deux autres tomes de la trilogie Les villages assoupis, L’île aux naufrages et Escalana, baignent dans le même genre d’ambiance onirique que le premier roman, mais leur action se situe dans des lieux et des décors différents. Aussi, si vous aimez les nouvelles fantastiques, je vous recommande fortement Le sabbat des éphémères, paru aux éditions Les Six Brumes ; il s’agit d’une autre façon de découvrir le fascinant univers de l’auteure.

J’aime, j’aime beaucoup: « Marmotte » de Bryan Perro

Comme je l’indiquais dans mon billet précédent, voici venu le temps de vous présenter mon premier coup de cœur québécois!

MARMOTTE (BRYAN PERRO)

MarmotteÉditeur: Perro Éditeur

Date de parution: Août 2012 (Éditions des Glanures en 1998, Intouchables en 2002)

Nombre de pages: 192 p.

ISBN: 9782923995069

Résumé / Extrait:

Les turbateurs étaient en ville aujourd’hui. Nous avons pété la gueule aux blôkes. Les blôkes sont des chiens sales. C’est pas moi qui le dis, c’est Tarzan. On ne peut pas se fier aux blôkes. Dès que tu as le dos tourné, ils te plantent un couteau entre les hommes aux plates. On ne peut pas faire confiance aux blôkes. Les samedis, les turbateurs vont souvent à la chasse aux blôkes. C’est moi le chef des turbateurs parce que je suis le père turbateur. Les marmottes aiment se battre. Je suis le chef parce que j’ai Rintintin, mon fidèle compagnon. Les autres turbateurs me suivent. Il suffit que je dise : “Bon. Goddamfuckinfrench!” pour que tous les turbateurs crient d’une seule et même voix: “YES!!! Les blôkes! Les blôkes! Les blôkes!!!”
Dans ce roman, les valeurs sociales sont scrutées sous un angle nouveau, surprenant, rafraîchissant, décapant. On peut y voir une satire absolument cruelle de l’“Homo quebencis”, mais surtout une pantomime sensible, bien orchestrée, qui nous fait passer des larmes aux rires, de la tendresse à la violence. (Extrait tiré du catalogue de Perro Éditeur.)

Ce petit roman raconte l’histoire de Marmotte, un jeune garçon à l’imagination fertile qui habite avec son père (Tarzan), sa mère (Lapute), son petit frère (qui vient de la planète des fruits), sa sœur aînée (la reine d’Angleterre) et sa grand-mère (la sorcière). Pour mieux survivre au sein de sa famille dysfonctionnelle, Marmotte nous raconte son monde et ses épreuves dans ses mots ; ce qui devient pour nous un voyage déjanté dans un autre univers semble être en vérité, pour lui, le reflet d’une réalité difficile à concevoir autrement.

Pourquoi je l’aime:

J’ai découvert ce roman en cinquième secondaire, alors qu’il figurait au programme dans nos cours de français. Selon moi, l’expérience de lecture a grandement été bonifiée par le fait que notre enseignante nous lisait le roman, chapitre par chapitre, à la fin de chacun des cours ; yeux fermés, nous n’avions qu’à l’écouter nous raconter l’histoire et à nous plonger dedans. Il faut avouer que le style presque « parlé » de l’écriture rendait l’expérience plutôt efficace!

Ce qui m’a plu dans ce roman, c’est la manière dont Bryan Perro parvient à traiter plusieurs sujets très durs (pauvreté, violence familiale, inceste, etc.) de façon presque sous-entendue, à travers le regard coloré de son petit personnage. Il faut dire que l’on passe aisément du rire au silence lorsqu’on lit Marmotte: un instant, on rigole devant le vocabulaire imagé du protagoniste (Monsieur Moncrisdecav, la Scie Garète, écouter Lâké, les Tas-Unis)… et l’instant d’après, on décode la scène qui se déroule derrière les mots et on en ressent toute la gravité.

Cette œuvre n’est pas récente et n’est pas particulièrement connue, mais je pense qu’elle vaut vraiment la peine d’être lue. C’est vrai que l’écriture très décousue, très collée aux pensées de Marmotte peut être agaçante au départ, mais en bout de ligne, je pense qu’elle fait partie intégrante de l’originalité de ce roman. Si vous avez la chance de mettre la main dessus, je vous le conseille fortement (et puisqu’il a été réédité dans les dernières années, il est sans doute plus facile à trouver qu’avant ; vous n’avez plus d’excuse!)

À lire aussi (du même auteur): La série Amos Daragon est devenue, pour moi, un classique des littératures de l’imaginaire pour la jeunesse. Cette série est une belle façon d’initier les jeunes lecteurs à la fantasy, avec son histoire captivante, ses personnages attachants et son humour toujours présent en filigrane. Elle a été rééditée récemment en quatre volumes chez Perro Éditeur. Si vous ne l’avez pas déjà lue et que le cœur vous en dit, n’hésitez pas: plongez!

Les détonateurs

L’autre jour, alors que je discutais de littérature avec l’une de mes grandes amies (et avec beaucoup trop d’enthousiasme, comme d’habitude!), j’ai vraiment réalisé pourquoi je veux toujours lire davantage.

Dans la vie, il y a autant de lecteurs qu’il y a de personnalités différentes, mais d’après mes observations et ce qu’on en a déjà dit, je pense qu’on peut regrouper plus grossièrement les gens qui lisent en deux catégories: ceux qui lisent pour se divertir… et ceux qui lisent pour être remués.

Pour être remués, ébranlés, choqués, émus, bouleversés, perturbés, touchés, déstabilisés… (maintenant, vous commencez à deviner à quel type j’appartiens, n’est-ce pas?)

Évidemment, il m’arrive de lire uniquement pour le plaisir, dans le but de me changer les idées, de m’amuser ou juste de décrocher du quotidien, et c’est très bien comme ça ; mais pour que je puisse me souvenir d’un livre, pour qu’il puisse figurer dans mon palmarès de lectures préférées, il est essentiel qu’un élément, quelque part à travers les pages, ait provoqué une réaction particulière chez moi. Une petite bombe littéraire, en somme. Peu importe que j’aie été dégoûtée par le réalisme d’une scène, transportée par la beauté de l’écriture, choquée par une fin inattendue ou attristée par la simple mort d’un personnage aimé… Ce qui compte, c’est que le livre ait pu me faire vivre une expérience unique.

Bon, je sais, nourrir de telles attentes fait en sorte que je deviens de plus en plus difficile, de plus en plus exigeante face à la qualité des récits que je lis… mais je pense que ça en vaut totalement la peine, parce que les livres sont remplis de petits détonateurs, qui n’attendent que la bonne personne pour se déclencher et provoquer de petites révolutions intérieures…!

Et vous, pourquoi lisez-vous?